vendredi 27 juin 2008

"La Macédoine, c'est un pays ?"

De retour d'une dizaine de jours en Macédoine, un petit pays coincé entre la Grèce et le Kosovo. Un pays candidat à l'entrée dans l'Union Européenne, mais complètement méconnu en France. Petit tour d'horizon de ce que j'y ai vu, entendu et senti.




A quoi ressemble Skopje, la capitale du pays ? Imaginez une ville-cuvette, encerclée de montagnes très vertes, où l'air devient facilement irrespirable. Impossible de se représenter Skopje autrement que comme un ville bruyante. Les gens conduisent au klaxon, sur des routes complètement cabossées, et surtout, ils conduisent comme des fous (dixit une occidentale). Dès que vous vous éloignez des grands axes, vous pouvez aussi apercevoir de petites charrettes, tirés par des chevaux, qui sont souvent conduites par des Roms. Côté architecture, on sent l'influence communiste (et c'est pas un compliment :). La ville a été rasée par un tremblement de terre en 1963 et a dû être reconstruite à la va-vite.


Les minorités. En Macédoine cohabitent plus ou moins facilement différentes minorités. Les Albanais constituent 20 % de la population, les Roms un peu plus de 5 %. Jusqu'à 2001, les Albanais et les Macédoniens étaient au bord de la guerre civile. Quant aux Roms, une bonne partie d'entre eux vit à Cutka (l'orthographe est approximative, désolée, mon clavier n'a pas de signes cyrilliques), la plus grande ville de tziganes sédentaires au monde. Les statistiques évaluent le nombre de Roms installée dans cette banlieue de Skopje entre 20 000 et 40 000. Ce qui est choquant, c'est que les enfants des Roms sont utilisés pour mendier et ramener de l'argent chez eux. Beaucoup d'entre eux lavent les pare-brises aux carrefours, d'autres fouillent les poubelles à des heures tardives de la nuit, certains poussent des chariots pleins de bouteilles en plastique. Les bébés, alors qu'ils ont à peine deux mois, vivent déjà dans la rue, dans les bras de leur mère. C'et un spectacle désolant.

La religion. Qui dit pays avec de fortes minorités dit pays avec des disparités religieuses. Skopje est séparée en deux : d'une part, la partie macédonienne, qui va prier dans les églises orthodoxes et d'autre part, la partie albanaise, à majorité musulmane. Témoin de ces différences : une immense croix métallique, érigée en 2002 au sommet du Vodno, une montagne qui surplombe la partie macédonienne de la ville mais que l'on aperçoit des kilomètres à la ronde. Le but ? Montrer que la ville appartient aux orthodoxes. Le plus impressionnant, c'est la nuit, quand seule la croix est éclairée (des éclairages financés par qui ? mystère). Par effet de protestation, les mosquées ont poussé comme des champignons dans la partie albanaise de la ville.

Le rapport conflictuel avec la Grèce. Déjà en 1991, quand la Macédoine a proclamé son indépendance, la Grèce a refusé de l'accepter. La raison ? Un litige sur le nom et le drapeau du pays, la Grèce estimant que la Macédoine était le nom d'une de ses régions et pas celui d'un autre pays. Un compromis avait alors été trouvé et, depuis, la Macédoine est officiellement appelée la FYROM (Former Yougoslavia Republic of Macédonia). Rebelote en avril dernier, au sommet de l'OTAN à Bucarest (Roumanie). La Grèce refuse l'entrée de son voisin dans l'OTAN sous le nom de Macédoine. En Macédoine, les Grecs sont donc très mal considérés (en témoigne l'explosion de joie quand la Grèce a été éliminé de l'Euro de foot). Et sachez que les Français suscitent également peu d'amour depuis que la France qui, par la voie de Sarkozy, a apporté son soutien à la Grèce. Il faut dire que la Grèce pèse plus de contrats économiques que la Macédoine.

La vie politique. Les dernières élections législatives se sont déroulées le premier week-end de juin dans tout le pays, provoquant plusieurs affrontements, notamment dans la partie albanaise du pays. Des élections entachées de très nombreuses irrégularités : le vote a même dû être annulé dans plusieurs bureaux de vote, et les électeurs ont été rappelé vers les isoloirs en carton pâte quinze jours plus tard. Au final, c'est le chef de gouvernement sortant, Nikola Gruevski , un conservateur nationaliste, qui a été réélu avec la majorité absolue des sièges. Une première dans la courte histoire de cette petite république. D'ordinaire, le gouvernement est toujours obligé de faire des alliances pour gouverner. En l'occurrence, le parti au pouvoir VMRO-DPMNE va tout de même chercher à faire des alliances, pour rester dans la tradition et s'éviter des conflits inutiles. La question est de savoir avec quel parti albanais il va s'allier : avant les élections il gouvernait avec le DPA (Parti démocratique albanais) mais les urnes donnent l'avantage à l'autre parti albanais, le DUI (Union démocratique pour l'intégration). Reste à savoir ce que va décider le Premier ministre.

Et aussi...Je vous conseille la visite d'Ohrid, le "bijou de la Macédoine" selon Lonely Planet ;) ; appréciez aussi la sponsorisation de la Macédoine par T-Mobile ; goûtez les délicieuses cacahouètes qu'ils vous servent avec la bière ; achetez des tomates sur les marchés, elles sont succulentes ; goûtez la Moussaka sans légumes ; et ne comptez pas trop rapporter des souvenirs de Skopje : le pays n'est pas du tout adapté au tourisme et il est même difficile de trouver des cartes postales de la capitale. Bon voyage !

lundi 16 juin 2008

Non, non et non : l'Irlande vote contre le traité constitutionnel


Et c'est reparti comme en 2005. L'Europe, vous la voyez autrement qu'en vaste ensemble burotico-bureaucratique, dénié de toute considération sociale ? Et bien bon courage ! En Irlande, on a échappé au couplet sur les plombiers polonais, mais au final, le résultat est le même qu'en France et aux Pays-Bas en 2005 : NON. Non au traité constitutionnel, appelé traité de Lisbonne, avec 53,4 % des voix contre 46,6 % (53,1 % de partiipation). NON à l'Europe actuelle.


Pour une Europe qui se cherche une population (un peu plus) aimante, c'est un coup de massue, un de plus. Les Irlandais étaient les seuls chez qui la ratification du traité de Lisbonne passait par la voie référendaire. Bizarrement, ils sont les premiers à dire non.


Forcément vient la question du pourquoi-tant-de-haine ? En deux décennies, l'Irande est devenue une des plus belles réussites de l'Europe. Une croissance folle, un chômage en chute libre. Mais l'Europe, contrairement aux hommes politiques de chaque pays, ne promet pas monts et merveilles. Elle ne dit pas qu'elle va sauver votre quotidien. Elle n'a pas de visage sur lequel on peut cracher. Elle n'émeut pas, et on lui reproche tout. On lui reproche de ne pas être assez sociale (mais est-ce le but d'un traité constituionnel, d'être social ??), on lui reproche aussi de ne pas laisser assez de liberté aux entreprises ; on lui reproche de gommer les nationalités, on lui reproche son fonctionnement compliqué, ses hommes en costume dans des bureaux. Et puis, tous les chefs d'Etat de l'UE sont en faveur de sa construction, tous sont pour le "oui" à ce fameux traité constitutionnel alors forcément, ça a quelque chose de louche. Les élites disent oui, je dois sûrement dire non.






Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Comment on explique que la France, l'Irlande et les Pays-Bas ont besoin de l'Europe ? Messieurs les nonistes, c'est quoi le plan B dont vous nous parliez tant en 2005 ? Certains pays, comme la République Tchèque, souhaitent qu'on enterre le traité là, quelque part entre Dublin et les lacs du Connemara. D'autres, comme la France sarkozienne, veulent que la ratification se poursuive, histoire de mettre la pression sur l'Irlande et de l'isoler. J'ai le souvenir qu'on avait le regard moins fier quand ce sont nous autres les Français qui avaient stoppé le processus la première fois. En fait, les politiques européens espèrent que l'Irlande revotera le même traité, avec quelques amendements, dans quelques mois. Il faut dire qu'en 2001, l'Irlande avait d'abord rejeté le traité de Nice, avant de l'applaudir un an plus tard. Mais est-on assez bête pour penser que cela sera toujours aussi simple ? Et bravo pour cette belle leçon de démocratie : on laisse parler les gens, mais quand ils se trompent, on les fait recommencer. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy a qualifié ce triste "non" d'"incident". Pour celui qui se targait il y a un an d'avoir remis l'"Europe sur les rails", c'est pourtant un revers. Auquel il va falloir trouver une solution. Mais laquelle ?

dimanche 1 juin 2008

La Russie nouvelle


De la Russie, on imagine surtout des fous prêts à voter pour Poutine, des alcooliques anonymes qui fleurissent à touos les coins de rue, des forces de l'ordre prêtes à frapper sans ménagement quiconque défendrait un peu trop virulemment les droits de l'homme. Si vous cherchez un regard moins caricatural sur la Russie d'aujourd'hui, je vous conseille le livre "La Russie nouvelle", de Lorraine Millot, correspondante à Moscou pour Libé.

Autour de chapitres thématiques, elle dresse le portrait d'une société qui nous est finalement peu familière. Celle des entrepreneurs qui rêvent d'argent et de voyages, celle des agriculteurs qui se battent pour redonner de la vie aux campagnes, celle des blogueurs. Les aspirations des Russes ressemblent aujourd'hui à celles des autres Européens : acheter une voiture, gagner sa vie, manger à sa faim, se reposer, voyager...Une véritable classe moyenne voit le jour.


Et dans la Russie racontée par ses habitants, Poutine est très populaire pour avoir rétabli l'ordre et le prestige de son pays. Certains y voient une explication : en 1989, après la chute de l'ex-URSS, la démocratie a été imposée à la Russie sans qu'elle se soit battue pour. On le voit avec l'Irak : imposer la démocratie n'est pas la meilleure manière de la faire accepter. D'où l'acceptation d'un système à la Poutine, corrompu, bafouant les droits de l'homme mais fondamentalement libéral. Un totalitarisme doux "qui tente de se convaincre lui-même qu'il ne fait rien de mal".


Un culte pour leur Premier ministre (et, il y a encore peu de temps, leur président) dont sont obligés de se vanter les nouveaux entrepreneurs du pays. S'ils n'adhèrent pas à Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, ils peuvent avoir à subir de gros problèmes (des poursuites pénales pour tout et rien, par exemple).


Malgré sa popularité, un ras-le-bol existe, notamment dans certaines campagnes. Ironie de l'histoire : certains villages sont privés de gaz ! Dans le pays où les ressources gazières rapportent des milliards d'euros, c'en est (presque) burlesque. Certaines écoles s'effritent également. En effet, en Russie, l'école est gratuite, mais les parents d'élèves paient le matériel pédagogique, font parfois le ménage et paient les réparations dans les locaux. S'ils sont pauvres, l'école l'est aussi. D'où une forte migration vers les grandes villes du pays.