jeudi 17 janvier 2008

Espagne : les universités fortement autonomes

La loi d’autonomie des universités espagnoles a été votée en avril 2007. L’occasion de s’attarder sur un système universitaire qui s’est considérablement transformé depuis la mort du franquisme.

Avril 2007. Le gouvernement espagnol vote une loi d’autonomie des universités, les étudiants descendent en nombre dans la rue. Ils reprochent à leurs facultés d’être coupées du monde du travail, de ne pas inclure de stages dans les formations. Le manque de dialogue entre le corps enseignant et les élèves est pointé du doigt. Un constat facilement transposable en France. Pour autant, les jeunes étudiants espagnols ne réfutent ni la sélection aux portes de l’université, ni la future autonomie de leurs établissements.



En votant le 12 avril 2007 cette loi d’autonomie des universités, le gouvernement a voulu dépoussiérer un système universitaire qui datait de 1978. A l’époque, l’Espagne se dote de sa première constitution post-franquisme et doit rédiger à la hâte une loi qui refond totalement un système éducatif mis à mal par le franquisme. Une seule loi organique, adoptée en 2001, est venue la compléter. Mais, en un quart de siècle, le visage de l’université espagnole s’est profondément transformé. Le taux de scolarisation a été multiplié par trois, faisant passer l’Espagne du huitième au troisième rang européen. En 2006 / 2007, la péninsule ibérique comptait 1 503 337 étudiants, répartis entre les universités publiques, privées et catholiques (voir Zoom). Une explosion des effectifs qui nécessitait des adaptations.

La nouvelle loi d'autonomie : quels changements ?

Il y a 25 ans, les étudiants devaient passer un « test de maturité » avant d’entrer à l’université. Aujourd’hui, les élèves doivent réussir un concours pour lequel ils se préparent pendant leurs deux dernières années de lycée, appelé « Prueba de Acceso a la Universidad » (preuve d’accès à l’université - PAU). Une sélection s’opère alors, qui choque beaucoup moins les esprits qu’en France. Alba Limana, étudiante à Madrid en faculté de musique, avoue : « Si un étudiant arrivait à l’université sans avoir jamais joué d’un instrument, il ne pourrait rien montrer ensuite à ses élèves. Pour sortir de la fac avec un niveau de musique professionnel, nous devons avoir fait nos preuves avant. » Avec la loi sur l’autonomie des universités, ces dernières détermineront, à partir de 2010, leurs propres conditions d’admission, auparavant organisées par un décret royal. Autres changements ? Il n’y a pas que les élèves qui auront à souffrir d’une sélection : les enseignants aussi. Les établissements pourront également créer des structures afin de valoriser leur recherche, le parent pauvre de l’université espagnole. Enfin, liberté est laissée à chaque université d’élire son recteur comme elle l’entend, sachant que les enseignants et les chercheurs doivent détenir une représentation majoritaire dans les différents conseils représentatifs.



L'"Espagne des autonomies"

Si parler d’«autonomie » des universités lève moins les foules en Espagne qu’en France, c’est aussi parce que la péninsule ibérique a une culture politique basée sur le local et l’individualisme. On parle même d’« l’Espagne des autonomies ». Le système universitaire repose d’ailleurs en grande partie sur le bon vouloir de 17 communautés autonomes – ces communautés pourraient s’apparenter aux régions françaises. Dès 1978, la plupart des pouvoirs leur sont transférés en matière d’éducation. A l’époque, tout était bon pour mettre fin au système très centralisé et étatique mis en place par le dictateur Franco. L’« l’Espagne des autonomies » fut très vite acceptée. Il faut dire que les communautés autonomes n’avaient jamais vraiment disparu. Depuis la création de l’Espagne, les régions ont toujours eu une forte identité : des langues différentes, des systèmes économiques propres. Ces singularités se confondaient sous le nom de « fueros » et les populations étaient extrêmement attachées à leur respect. Ainsi, ce fort enracinement identitaire a survécu au centralisme du royaume des Bourbons, installé en 1700, puis au franquisme. Aujourd’hui, ces régions ont plus ou moins de compétences sur leurs systèmes universitaires. Pour résumer, généralement, les communautés autonomes sont responsables de la programmation et du financement des universités et établissent les conditions dans lesquelles de nouveaux établissements, publics ou privés, peuvent être créés. L’Etat établit surtout des normes générales en matière d’éducation, notamment pour que les universités adoptent les réformes européennes. Ainsi, même si les systèmes universitaires français et espagnols semblent parfois souffrir de maux comparables, ils n’ont pas la même façon de les guérir.




Aucun commentaire: