Selon un rapport d’Eurostat publié en novembre dernier, un belge sur cinq travaillerait au noir, principalement dans la restauration. Un système complexe et bien rôdé où tout est programmé pour détourner la loi.
« Le travail au noir, c’est le sport national en Belgique ». Boris P., 25 ans, a ouvert un bar à Bruxelles il y a trois mois. Le secteur de la restauration, il le connaît par cœur : avant de devenir patron, il a travaillé pendant toutes ses études comme serveur. Tous les soirs, de 16 h à 3 h du matin, il jonglait entre bières et expresso. 11 heures de travail par jour pour un contrat qui en mentionnait 14 par semaine. « La majorité des étudiants suent sang et eau pour 7,5 € de l’heure» raconte Mathias F., 28 ans, associé de Boris. Selon le droit du travail belge, le salaire horaire minimum dans la restauration s’élève à 9,20 €. Un manquement à la loi qui ne révolte personne. Tout le monde sait qu’en Belgique, le coût du travail double après 18 h or, dans la restauration, difficile de finir sa journée avant. Résultat : aucun établissement membre de l’Horeca (sigle définissant l’hôtellerie, la restauration et les cafés en Belgique), hormis les grands restaurants gastronomiques, ne peut se payer le luxe de déclarer la totalité des heures effectuées par leurs employés. « Payer au noir une partie des salaires de nos serveurs est la seule manière de survivre dans l'Horeca » appuie Boris.
"Un jeu qu'il faut savoir jouer"
A les entendre, on croirait presque qu’en Belgique, le travail au noir est légal. 23 inspecteurs du travail arpentent pourtant la capitale pour démasquer les fraudeurs. Mais, selon Christiane Jadot de la direction du travail de Bruxelles, « leur tâche est ardue, particulièrement dans l’Horeca où le personnel change régulièrement », tout du moins officiellement. Officieusement, chaque matin, les employés signent une fiche de remplacement, ce qui leur permet de justifier leur présence au-delà des heures qu’ils déclarent. Mieux : ils bénéficient ainsi d’une protection sociale. Un système bien huilé où personne n’a intérêt à dénoncer l’autre : « Peu d’anciens employés au noir portent plainte parce qu’eux-mêmes peuvent être poursuivis pénalement » explique Christiane Jadot.
Semer les inspecteurs, « c’est un jeu qu’il faut savoir jouer », s’amuse Boris. Un jeu sous forme de casse-tête administratif. Les contrôleurs calculent savamment la quantité moyenne des produits courants censés être consommés dans le bar. Ces calculs se fondent sur le nombre de salariés, leur temps de travail déclaré et la fréquentation de l’établissement. En clair, les inspecteurs traquent jusqu’aux rouleaux de papier toilette. Offciellement, Boris achete 60 rouleaux chez son fournisseur, facture à l’appui, et 20 au supermarché pour déjouer les contrôles. Mais, même s’ils se font épingler, les sommes à verser ne sont pas astronomiques. «Un employé déclaré 14 heures par semaine nous coûte 10 000 € par an, calcule Mathias. Si on le déclarait à temps plein, il nous coûterait 25 000 €. Quand on sait qu’en général, les amendes tournent autour de 40 000 € et que les contrôles sont peu fréquents, le calcul est assez rapide !»
A l'occasion d'un petit voyage à Bruxelles, j'ai fait cette mini enquête avec l'adorable et adorée Aurélia Moussly, je précise histoire de ne pas m'octroyer la gloire de cet article toute seule. Et si ça vous plaît, sachez que la promo de l'ESJ s'apprête à sortir un mag sur Bruxelles qui sera GENIAL (si, si), et que si vous voulez en avoir un avant-goût, allez voir de ce côté-là...
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