Et comme je suis dans ma journée "je vous livre des trucs que j'ai pas écrit mais que je trouve intéressants", voilà une comparaison faite par
Le Monde y'a déjà quelques semaines entre les deux traités : le traité constitutionnel, refusé par une majorité de Français en 2005, et le traité de Lisbonne, ratifié cette semaine par le parlement français. Cette fois, seule l'Irlande a pris le risque du référendum. Fallait-il ou non organiser un nouveau référendum en France ? Question difficile. D'un côté, si le "oui" avait gagné, cela aurait renforcé l'image de l'Europe en France, et les Français se seraient intéressés à ce nouveau traité - ce qui n'est pas le cas actuellement. D'un autre côté, c'était prendre le gros risque de bloquer une nouvelle fois les institutions européennes, et de voir l'Union européenne poursuivre sans la France.
La première grosse différence, c'est que
le traité de Lisbonne amende les traités existants mais ne les remplace pas (ce que devait faire le traité constitutionnel). Bref, voilà ce que retenait Le Monde :
Ce qui a disparu par rapport au texte constitutionnel
- Le terme de Constitution.
- La référence aux symboles, même si ceux-ci continuent d'exister : le drapeau aux douze étoiles, l'hymne (l'Ode à la joie), la devise ("L'Union dans la diversité"), et la mention "La monnaie de l'Union est l'euro".
(cf les propos de Geremek, dans un article publié en janvier, où le député européen polonais regrettait cette absence)- La partie III du traité constitutionnel fixant les politiques et le fonctionnement de l'Union. Ses articles, portant sur le marché intérieur, la concurrence, l'agriculture, l'Union monétaire, la coopération judiciaire et policière, etc., retrouvent leur place dans les traités existants, que la Constitution devait remplacer.
Ce qui est maintenu
- Les principales innovations institutionnelles : la présidence stable de l'Union pendant deux ans et demi, au lieu d'une présidence tournante du Conseil tous les six mois (On parle d'ailleurs de Tony Blair pour être nommé à ce poste, affaire à suivre); la composition réduite de la Commission européenne.
- L'extension des domaines à majorité qualifiée (apparté : depuis le 1er janvier 2007, le nombre de voix attribué à chaque État membre a été repondéré ; le seuil de la majorité qualifiée est fixé à 255 voix sur 345 (73.91 %). La décision doit également recueillir le vote favorable de la majorité des États membres (soit au moins 14 Etats membres). En outre, un État membre peut demander qu'il soit vérifié que la majorité qualifiée comprend au moins 62 % de la population totale de l'Union européenne. Si tel n'est pas le cas, la décision n’est pas adoptée. Au fur et à mesure des différentes réformes institutionnelles, le vote à la majorité qualifiée a remplacé le vote à l'unanimité, ce qui est bien plus efficace).
- Une augmentation des pouvoirs du Parlement européen. Afin de rassurer le Royaume-Uni, qui craignait de nouveaux transferts de souveraineté, elle s'accompagne de la mise en place d'un mécanisme destiné à faciliter les coopérations renforcées entre les Etats désireux d'aller de l'avant.
- La délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres : l'Union douanière, le commerce, la concurrence, la politique monétaire demeurent des compétences exclusives de l'Union. La politique sociale, le marché intérieur, l'énergie, la recherche restent des compétences partagées avec les Etats.
- La personnalité juridique unique de l'Union est maintenue, avec la fusion des trois piliers qui permettaient de distinguer les politiques gérées selon les méthodes communautaires (1er pilier), la politique étrangère et de sécurité commune (PESC, 2e pilier) et la coopération judiciaire et policière (3e pilier). A la demande de la France et du Royaume-Uni, le caractère "intergouvernemental" de la PESC est cependant ancré dans le traité. Les Britanniques ne sont pas parvenus à dépecer les attributions de l'ex-ministre des affaires étrangères, rebaptisé "haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité". Il disposera, comme prévu par la Constitution, d'un service diplomatique, et conservera sa position à cheval entre la vice-présidence de la Commission et la présidence du conseil des ministres des affaires étrangères.
- Le droit d'initiative citoyenne, qui permettra à un million de citoyens d'inviter la Commission à soumettre une proposition.
- La référence aux héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe. (apparté encore -décidément, je peux pas m'empêcher de faire des commentaires - c'est quand même curieux qu'on enlève les synboles de l'Europe mais qu'on maintienne les références aux héritages culturels, religieux et humanistes, non ?!)
Ce qui est maintenu mais modifié
- La Charte des droits fondamentaux, qui constituait la partie II de la Constitution, ne sera pas reprise in extenso. Elle fait l'objet d'une référence lui donnant une force juridique contraignante. Ce qui revient au même selon les juristes. Le Royaume-Uni et probablement la Pologne sont exemptés de son application.
- A la demande du Royaume-Uni, la primauté du droit européen sur le droit national n'est pas réaffirmée dans le traité proprement dit. Mais ce principe fait l'objet d'une déclaration renvoyant à la jurisprudence de la Cour de justice.
- La règle de la double majorité, qui stipule qu'une décision doit être prise par 55 % des Etats membres et 65 % de la population, subsiste pour l'essentiel. Mais son application est reportée à 2014 à la demande de la Pologne. Pendant une phase de transition, de 2014 à 2017, un pays pourra demander de voter selon les règles du traité de Nice. De plus, un mécanisme permettra à un groupe d'Etats qui approche la minorité de blocage d'obtenir une poursuite de la négociation en vue d'une solution.
- Le rôle des Parlements nationaux est renforcé : la période qui leur est accordée pour examiner un texte passera de six à huit semaines. La Commission devra justifier une décision, la revoir ou la retirer, si elle est contestée à la majorité simple des voix attribuées aux Parlements nationaux.*
Ce qui est nouveau
- Un protocole sur les services publics, demandé par les Pays-Bas avec le soutien des Français, qui souligne l'importance des services d'intérêt général, met l'accent sur les "valeurs communes" de l'Union, mentionne "le rôle essentiel et la grande marge de manœuvre des autorités nationales, régionales et locales".
- Si les "critères de Copenhague" imposés aux pays candidats à l'adhésion ne sont pas mentionnés explicitement, comme le demandaient les Pays-Bas, le texte précise que "les critères d'éligibilité ayant fait l'objet d'un accord du Conseil européen sont pris en compte". "
En gros, la conclusion est simple : les deux traités ne sont pas aussi différents que Nicolas Sarkozy veut bien le prétendre. Reste à savoir comment ce traité va être appliqué et si cela va vraiment faire évoluer les institutions européennes, qui ont bien besoin d'un coup de pouce. Suite au prochain épisode.