jeudi 14 février 2008

Ayaan Hirsi Ali énerve les Pays-Bas

Grincements de dents aux Pays-Bas. Ayaan Hirsi Ali a été reçue aujourd'hui jeudi 14 février par le Parlement européen, à Bruxelles. Elle était invitée par plusieurs députés socialistes français, dont Benoît Hamon, l'initiateur d'une déclaration écrite sur la prise en charge par l'Union européenne de sa protection. Un texte signé par une centaine d'eurodéputés.
2 millions d'euros par an

Aux Pays-Bas, la médiatisation de l'ex-parlementaire (voir article précédent) énerve. Non que le gouvernement néerlandais soit contre l'idée de ce fonds européen, mais il tient à rappeler "que Mme Hirsi Ali a choisi volontairement de s'exiler et ne pouvait exiger ni des Etats-Unis ni de son pays qu'ils assument le coût de sa protection, estimé, selon le ministre de la justice néerlandais, à 2 millions d'euros par an." (dixit LeMonde)

La presse néerlandaise est elle aussi divisée. Des commentateurs, de gauche comme de droite, réunis par leur méfiance à l'égard de la France, se gaussent du soutien apporté par des intellectuels et des hommes politiques français à Mme Hirsi Ali. Sylvain Ephimenco, éditorialiste du quotidien chrétien Trouw, juge, en revanche, réconfortant "le fait que, grâce à des intellectuels français, la gauche ait retrouvé ses valeurs universelles, foulées au pied aux Pays-Bas".

mardi 12 février 2008

Ayaan Hirsi Ali : bientôt française ?

Ayaan Hirsi Ali. Vous avez peut-être déjà entendu ce nom. Normal, ces derniers jours, cette femme soudanaise est apparu sur tous les écrans. Ayaan Hirsi Ali est condamnée à mort dans plusieurs pays musulmans, dont le Soudan. Son « crime » ? Avoir critiquer vertement l’islam, alors qu’elle était députée des Pays-Bas.

Pour les anglophones, je vous laisse découvrir cette interview d’ Ayaan Hirsi Ali.





Pour les non-anglophones (!), résumons.

Après avoir eu une jeunesse de musulmane opprimée (excisée, voilée, mariée de force), la jeune femme suis son père, Hirsi Magan, un intellectuel qui a étudié aux États-Unis dans les années 1960, dans un long exil politique, d'abord en Arabie saoudite et en Éthiopie puis au Kenya. Elle est ensuite envoyée en Allemagne où elle est hébergée par sa famille en attendant d'obtenir les documents nécessaires pour pouvoir se rendre aux Etats-Unis en vue d'y être mariée. Elle a 22 ans. D'après RFI, ses parents proches et son ex-mari, un Somalien installé au Canada, s’accordent tous pour dire qu’elle était consentante le jour de la cérémonie.

Elle s'enfuit alors vers les Pays-Bas, où elle obtient l'asile politique en 1992 (en mentant sur son âge et sa situation - elle dit avoir connu les atrocités de la guerre civile en Somalie alors qu'elle était au Kenya au même moment, un pays en paix où elle avait déjà le statut de réfugié). À partir de 2001, chercheuse dans un think tank (groupe de recherche) du Parti des travailleurs aux Pays-Bas, elle travaille sur l'intégration des femmes étrangères (et plus particulièrement musulmanes) dans la société néerlandaise. En novembre 2002, elle adhère au parti libéral VVD où ses idées provocantes sont plus acceptées. Elle est élue au Parlement en 2003. Elle réussit alors à faire adopter une proposition de loi réprimant sévèrement la pratique de l'excision. Son crédo ? PROVOQUER : en 2002, elle qualifie l'islam de "culture rétrograde", choque de nouveau en 2004 en parlant de Mahomet comme d'un "pervers" et un "tyran", et assimile même l'islam à un "nouveau fascisme" dans un récent entretien avec The Independent.


Rencontre avec Théo Van Gogh

Autre point important du parcours d’Ayaan Hirsi Ali : sa collaboration avec Theo van Gogh, débutée en 2004. Ils écrivent ensemble le scénario d'un court-métrage portant sur la condition des femmes dans le monde musulman, en insistant sur les violences qui sont faites aux femmes au nom de l'islam. Le film est baptisé Soumission et raconte l'histoire d'une fille violée et battue par sa famille. Ce film provocateur, où des calligraphies du Coran, livre sacré des musulmans, sont inscrites sur la peau des actrices, entraine la colère des musulmans hollandais. Après l'assassinat de Theo van Gogh, le 2 novembre 2004, Ayaan Hirsi Ali est menacée de mort.

Polémique. Ayaan Hirsi Ali est également au centre d’un documentaire diffusé à la télévision néerlandaise. Elle y reconnaît avoir menti sur son identité et son âge pour obtenir l'asile politique et échapper à un mariage forcé. La ministre de l'intégration Rita Verdonk, bien que membre comme elle du VVD, tente d'utiliser ce fait pour la déchoir de sa nationalité, mais échoue face à une motion des députés votée à la majorité. Face à cette polémique, la jeune femme soudanaise, surnommée "la Voltaire des temps modernes", en référence aux combats passionnés de ce dernier contre le cléricalisme, démissionne de son siège de député et s'exile aux Etats-Unis.
Elle y est recrutée par l'American Enterprise Institute, un think tank néoconsevateur proche de l'administration Bush. Rita Verdonk, désavouée par son parti et l'opinion publique, renonce tout de même, en juin 2006, à déchoir de ses droits civiques Ayaan Hirsi Ali. Rita Verdonk parvient néanmoins à user de certaines lois pour contraindre le gouvernement à retirer, en octobre 2007, la protection rapprochée qu'il avait accordée à Ayaan Hirsi Ali. La raison ? Le fait qu’elle ne soit plus sur le territoire national. Le gouvernement américain ne peut pas non plus lui accorder une protection, Ayaan n'étant pas de nationalité américaine. Aujourd’hui, elle est contrainte de financer elle-même sa protection privée.





Ayaan Hirsi Ali française ??

Beaucoup plaident pour la naturalisation française d’ Ayaan Hirsi Ali, prenant au mot Nicolas Sarkozy qui, au soir de son élection, s’était exclamé : "A chaque femme martyrisée dans le monde, je veux dire que la France offre sa protection en lui donnant la possibilité de devenir française." Alors quid d'une future naturalisation ? Par la voie de Rama Yade, l’Elysée aurait transmis un « Nous y réfléchissons ». Nicolas Sarkozy a également annoncé vouloir mettre en place "un fonds communautaire" pour assurer la protection des personnes menacées. Reste à percevoir la différence entre une énième annonce politique et la réalité.



lundi 11 février 2008

Belgique -- De la publicité pour lutter contre l'alcoolisme

Une pub belge sur la prévention des ravages de l'alcoolisme chez les femmes enceintes...


Sarko et les référendums européens

Nicolas Sarkozy est intervenu hier soir, sur les radios et télés françaises. A l'ordre du jour, une fois n'est pas coutume, l'Europe. Et le fameux traité de Lisbonne dont je parlais jeudi dernier. Un traité qui ne reprendrait, je cite, que les principes institutionnels de l'Union européenne. Son intervention a soulevé plusieurs points intéressants : sa vision de la concurrence qui ne doit "pas être une fin en soi mais un moyen" ou encore sa volonté de "remettre de la politique en Europe".


Mais passons les détails du texte. Le plus frappant, à mon avis, c'est la capacité que Sarkozy a eu de tirer la couverture à lui et à la France : "C'est la France qui a pris l'initiative de le proposer" (le traité de Lisbonne). A peine un mot pour la chancelière allemande, Angela Merkel. "La France est de retour en Europe. Elle retrouve le rôle moteur qui a toujours été le sien". Pourquoi pas mais interrogeons-nous : tant mettre en avant la France (et lui-même), est-ce le meilleur moyen de redorer l'image de l'Europe ? N'était-ce pas l'Europe, les institutions, la collaboration entre les différents Etats membres qu'il fallait mettre en avant ?

Autre chose sur lequel Sarkozy a insisté : l'adoption française du traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Il a ré-affirmé avoir été élu en ne cachant pas son refus de refaire un référendum sur la question européenne: une promesse de campagne réalisée, donc. Seulement, magie de l'histoire, regardez ce que disait Sarkozy en 2004 (ok, ce n'est pas le même contexte, ok :)




jeudi 7 février 2008

Le Traité de Lisbonne comparé au traité constitutionnel

Et comme je suis dans ma journée "je vous livre des trucs que j'ai pas écrit mais que je trouve intéressants", voilà une comparaison faite par Le Monde y'a déjà quelques semaines entre les deux traités : le traité constitutionnel, refusé par une majorité de Français en 2005, et le traité de Lisbonne, ratifié cette semaine par le parlement français. Cette fois, seule l'Irlande a pris le risque du référendum. Fallait-il ou non organiser un nouveau référendum en France ? Question difficile. D'un côté, si le "oui" avait gagné, cela aurait renforcé l'image de l'Europe en France, et les Français se seraient intéressés à ce nouveau traité - ce qui n'est pas le cas actuellement. D'un autre côté, c'était prendre le gros risque de bloquer une nouvelle fois les institutions européennes, et de voir l'Union européenne poursuivre sans la France.

La première grosse différence, c'est que le traité de Lisbonne amende les traités existants mais ne les remplace pas (ce que devait faire le traité constitutionnel). Bref, voilà ce que retenait Le Monde :



Ce qui a disparu par rapport au texte constitutionnel

- Le terme de Constitution.
- La référence aux symboles, même si ceux-ci continuent d'exister : le drapeau aux douze étoiles, l'hymne (l'Ode à la joie), la devise ("L'Union dans la diversité"), et la mention "La monnaie de l'Union est l'euro". (cf les propos de Geremek, dans un article publié en janvier, où le député européen polonais regrettait cette absence)
- La partie III du traité constitutionnel fixant les politiques et le fonctionnement de l'Union. Ses articles, portant sur le marché intérieur, la concurrence, l'agriculture, l'Union monétaire, la coopération judiciaire et policière, etc., retrouvent leur place dans les traités existants, que la Constitution devait remplacer.



Ce qui est maintenu


- Les principales innovations institutionnelles : la présidence stable de l'Union pendant deux ans et demi, au lieu d'une présidence tournante du Conseil tous les six mois (On parle d'ailleurs de Tony Blair pour être nommé à ce poste, affaire à suivre); la composition réduite de la Commission européenne.

- L'extension des domaines à majorité qualifiée (apparté : depuis le 1er janvier 2007, le nombre de voix attribué à chaque État membre a été repondéré ; le seuil de la majorité qualifiée est fixé à 255 voix sur 345 (73.91 %). La décision doit également recueillir le vote favorable de la majorité des États membres (soit au moins 14 Etats membres). En outre, un État membre peut demander qu'il soit vérifié que la majorité qualifiée comprend au moins 62 % de la population totale de l'Union européenne. Si tel n'est pas le cas, la décision n’est pas adoptée. Au fur et à mesure des différentes réformes institutionnelles, le vote à la majorité qualifiée a remplacé le vote à l'unanimité, ce qui est bien plus efficace).


- Une augmentation des pouvoirs du Parlement européen. Afin de rassurer le Royaume-Uni, qui craignait de nouveaux transferts de souveraineté, elle s'accompagne de la mise en place d'un mécanisme destiné à faciliter les coopérations renforcées entre les Etats désireux d'aller de l'avant.

- La délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres : l'Union douanière, le commerce, la concurrence, la politique monétaire demeurent des compétences exclusives de l'Union. La politique sociale, le marché intérieur, l'énergie, la recherche restent des compétences partagées avec les Etats.

- La personnalité juridique unique de l'Union est maintenue, avec la fusion des trois piliers qui permettaient de distinguer les politiques gérées selon les méthodes communautaires (1er pilier), la politique étrangère et de sécurité commune (PESC, 2e pilier) et la coopération judiciaire et policière (3e pilier). A la demande de la France et du Royaume-Uni, le caractère "intergouvernemental" de la PESC est cependant ancré dans le traité. Les Britanniques ne sont pas parvenus à dépecer les attributions de l'ex-ministre des affaires étrangères, rebaptisé "haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité". Il disposera, comme prévu par la Constitution, d'un service diplomatique, et conservera sa position à cheval entre la vice-présidence de la Commission et la présidence du conseil des ministres des affaires étrangères.

- Le droit d'initiative citoyenne, qui permettra à un million de citoyens d'inviter la Commission à soumettre une proposition.

- La référence aux héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe. (apparté encore -décidément, je peux pas m'empêcher de faire des commentaires - c'est quand même curieux qu'on enlève les synboles de l'Europe mais qu'on maintienne les références aux héritages culturels, religieux et humanistes, non ?!)




Ce qui est maintenu mais modifié


- La Charte des droits fondamentaux, qui constituait la partie II de la Constitution, ne sera pas reprise in extenso. Elle fait l'objet d'une référence lui donnant une force juridique contraignante. Ce qui revient au même selon les juristes. Le Royaume-Uni et probablement la Pologne sont exemptés de son application.

- A la demande du Royaume-Uni, la primauté du droit européen sur le droit national n'est pas réaffirmée dans le traité proprement dit. Mais ce principe fait l'objet d'une déclaration renvoyant à la jurisprudence de la Cour de justice.

- La règle de la double majorité, qui stipule qu'une décision doit être prise par 55 % des Etats membres et 65 % de la population, subsiste pour l'essentiel. Mais son application est reportée à 2014 à la demande de la Pologne. Pendant une phase de transition, de 2014 à 2017, un pays pourra demander de voter selon les règles du traité de Nice. De plus, un mécanisme permettra à un groupe d'Etats qui approche la minorité de blocage d'obtenir une poursuite de la négociation en vue d'une solution.

- Le rôle des Parlements nationaux est renforcé : la période qui leur est accordée pour examiner un texte passera de six à huit semaines. La Commission devra justifier une décision, la revoir ou la retirer, si elle est contestée à la majorité simple des voix attribuées aux Parlements nationaux.*

Ce qui est nouveau


- Un protocole sur les services publics, demandé par les Pays-Bas avec le soutien des Français, qui souligne l'importance des services d'intérêt général, met l'accent sur les "valeurs communes" de l'Union, mentionne "le rôle essentiel et la grande marge de manœuvre des autorités nationales, régionales et locales".
- Si les "critères de Copenhague" imposés aux pays candidats à l'adhésion ne sont pas mentionnés explicitement, comme le demandaient les Pays-Bas, le texte précise que "les critères d'éligibilité ayant fait l'objet d'un accord du Conseil européen sont pris en compte". "




En gros, la conclusion est simple : les deux traités ne sont pas aussi différents que Nicolas Sarkozy veut bien le prétendre. Reste à savoir comment ce traité va être appliqué et si cela va vraiment faire évoluer les institutions européennes, qui ont bien besoin d'un coup de pouce. Suite au prochain épisode.



Roumanie -- Le CNSAS pourrait être manipulé

Suite de notre article d'hier : voilà une dépêche de Reuters tombée hier après-midi, qui apporte plusieurs éclaircissements intéressants, notamment l'idée que le CNSAS pourrait être manipulé par le président roumain. Je vous laisse la lire.
"BUCAREST, 6 février (Reuters) - Le gouvernement roumain a exprimé mercredi son intention de continuer à débusquer les ex-collaborateurs de la Securitate, la redoutée police politique de l'ère communiste. Dans un arrêt considéré comme "contre-révolutionnaire" par certains, la Cour constitutionnelle roumaine a jugé illégitime le mois dernier le pouvoir de dénonciation du Conseil national d'études des archives de la Securitate (CNSAS).
Le CNSAS est chargé de révéler quels sont les dirigeants politiques, magistrats et fonctionnaires impliqués dans les activités de basse police de l'ancien régime de Nicolae Ceaucescu.La Cour a estimé exorbitant ce pouvoir quasi juridictionnel du CNSAS et, pour écarter cette objection, le gouvernement a suggéré qu'il se borne à soumettre les noms des suspects aux tribunaux, qui se prononceraient sur pièces. Il leur reviendrait le cas échéant de livrer au public des noms. Le CNSAS est accusé par beaucoup de manipuler les archives. Depuis leur ouverture, en 2005, il a déclaré coupables de collaboration plusieurs hommes politiques en vue, mais a blanchi le président Traian Basescu."Dix-huit ans après l'effondrement du communisme, nous nepouvons pas nous permettre de stopper le processus de mise au jour des crimes communistes", a affirmé mercredi le Premier ministre centrise Calin Taricea."



mercredi 6 février 2008

La Roumanie a du mal à oublier la Securitate

Il y a des fantômes qui ont des difficultés à diparaître. Prenez la Securitate, par exemple. Cette police politique a officié en Roumanie pendant la longue période communiste. Des millions de Roumains ont été fichés, surveillés, leurs vies analysées dans les moindres détails. Imaginez un instant que l'atmosphère décrite dans 1984, de Georges Orwell, soit réelle.

Le régime de Ceausescu a pris fin en 1989. Depuis, le démantèlement de la Securitate n’a jamais été officiellement programmé. Garantie morale, un CNSAS (Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate) fut créé en 1999. L’idée ? Permettre un accès aux dossiers de l’ancienne police politique. Pouvoir éventuellement révélé l’identité des hommes politiques qui avaient collaboré avec la police politique. Traian Basescu , le président de la Roumanie, a accepté le transfert des 12 km d’archives de la Securitate en 2005.

Le CNSAS déclaré anti-constitutionnel

Légende : les archives de la Securitate à Bucarest

Seulement voilà : la semaine dernière (ok, on a vu plus réactif comme blog :), la CCR (Cour Constitutionnelle de Roumanie) a déclaré anti-constitutionnelle la loi sur le fonctionnement du CNSAS. Extrait du communiqué du CCR à la suite de sa décision, le 31 janvier dernier : « Aux termes de l’artcile 147, alinéa 1 de la constitution, la loi en question est suspendue pour une période de 45 jours, pendant laquelle le CNSAS ne pourra pas exercer ses compétences établies par la loi. Si aucune modification législative n’intervient avant l’expiration de ce délai, les dispositions respectives n’auront plus d’effets juridiques ». Autrement dit, bye-bye l’étude des archives de la Securitate. Une poignée de Roumains a manifesté sa colère, dimanche 3 février. Reste à savoir si 500 manifestants peuvent avoir un réel impact, aussi minime soit-il.

« En Roumanie, il y a 23 millions d’habitants et 63 millions d’agents »




La Securitate comme une ombre dont le peuple roumain a du mal à se séparer. Rapportés au nombre d’habitants, ses effectifs étaient les plus importants de toutes les polices secrètes du bloc communiste. Elle fut fondée en 1948, en étroite collaboration avec les officiers soviétiques du KGB – dans les faits, la Securitate existait déjà depuis 1944. Le but ? « Garantir la sécurité de la République populaire de Roumanie contre les ennemis tant intérieurs qu’extérieurs ». Cette police politique était extrêmement bien organisée :

- la D1, la direction la plus importante, faisait la chasse aux dissidents, aux bourgeois, aux réformateurs. Elle s’appuyait sur des milliers d’informateurs : un dicton populaire roumain se moquait : « En Roumanie, il y a 23 millions d’habitants et 63 millions d’agents ». En réalité, il semble qu’un Roumain sur 15 était un informateur, et la Securitate comptait plus de 150 000 salariés à temps plein et 50 000 officiers. Tous signaient un contrat par lequel ils s’engageaient à signaler les menaces à l’encontre de l’Etat. Quitte à dénoncer amis et famille. Vu de France, vingt ans après, cela peut paraître aberrant mais difficile de s’imaginer à quel point ils étaient alors manipulés et humiliés. Des séances de torture et des séjours en prisons où peu sont ressortis vivants maintenaient la population roumaine dans la peur.

- la D2 s’occupait des informations économiques et contrôlait la production, les usines et les instituts de recherche. C’était un des instruments les plus stratégiques de Ceausescu.

- la D3 était celle du contre-espionnage : toutes les communications vocales et électroniques passées en Roumanie en direction de l’étranger étaient surveillées.

- la D4, la direction de la sécurité intérieure, éliminait les dissidents au sein même du Parti communiste et de la Securitate.

Au final, personne n’avait le contrôle total de cet immense appareil.