mardi 25 mars 2008

Haro sur le Coran

On croyait l'affaire des caricatures de Mahomet révolue. Il n'en est rien. Avec son pamphlet contre le coran, prévu pour début avril, le député néerlandais Geert Wilders réveille de vieux démons.


(Le Danemark et les Pays-Bas sont chaque jour la cible de manifestations en Afghanistan contre les caricatures du Prophète et le film de Wilders. Photo AP)

« L’islam peut nous coûter notre liberté si nous n’agissons pas contre lui ». Une déclaration, un brin provocante, signée Geert Wilders. Aux Pays-Bas, en quelques mois, le nom de ce député populiste néerlandais, chef du Parti de la liberté (PVV), est devenu célèbre. La raison ? Fitna, un pamphlet contre le Coran qu’il a réalisé cet hiver. Le leader d’extrême droite projette de le diffuser le 1er avril sur Internet. Un film qui gêne (presque) tout le monde.


Provoquer : la raison d'être du film
Et pour cause ! Fitna est né uniquement pour provoquer. Arrêtons nous sur le titre, d’abord. En arabe, il signifie la discorde. Pour Wikipédia (et Dieu sait la véracité des propos tenus sur les pages de Wikipédia), « fitna » est « généralement considéré comme très difficile à traduire mais est considéré en même temps comme un tout englobant se référant à la fois aux mots schisme, sécession, anarchie et troubles ». Et pour Wilders, le titre fait référence au « mal » : «J’ai insisté pour utiliser une expression qui se trouve également dans le Coran. Pour moi, le Coran vénéneux est fitna ».

Les rumeurs, ensuite. Elles contribuent grandement à la peur qui entoure la sortie de ce pamphlet. Le top du top : dans les dernières minutes du film, le député brûlerait le Coran. Mieux, le film serait accompagné d’un dessin animé moquant le prophète. Mais, à vrai dire, personne n’a encore vu le moindre rush ! En fait, Wilders joue la provoc à fond et ça marche. Il va jusqu’à décrire le Coran, dont il avait réclamé l'interdiction en août 2007, comme « le Mein Kampf de la religion qui vise à éliminer les autres et les traite de chiens d'incroyants ». Avis aux amateurs :






Si Geert Wilders voulait qu’on parle de son film, c’est gagné. S’il voulait faire peur, c’est carton plein. Le film devait être diffusé sur www.fitnathemovie.com. Jusqu'à dimanche dernier, le site Internet montrait la couverture du Coran sur fond noir avec le texte : "Prochainement : Fitna". Preuve de l’angoisse qui entoure la sortie du film: le fournisseur d'accès Internet américain Network Solutions a suspendu, dimanche 23 mars, l’accès au site. "Network Solutions a reçu un certain nombre de plaintes qu'il est en train d'examiner concernant ce site". Pas de quoi arrêter Geert Wilders : "S'il le faut, j'irai distribuer personnellement des DVD sur le Dam ».


"C’est la responsabilité du peuple des Pays-Bas de l’arrêter"
Les autorités néerlandaises sont elles aussi très mal à l’aise. Dans ce pays, jamais vraiment remis des assassinats de Theo Van Gogh et de Pim Fortuyn, personne n'a oublié l'affaire des caricatures de Mahomet. De nombreuses ambassades danoises avaient été attaquées dans les pays musulmans. « C’est la responsabilité du peuple des Pays-Bas de l’arrêter ». Ahmad Badr al-Din al-Hassouna, le Grand Mufti de Syrie, a mis en garde les Européens « ne pas abuser de la liberté d’expression pour critiquer l’islam ».
Dans ce climat, le premier ministre chrétien-démocrate, Jan Peter Balkenende a demandé début mars au leader populiste de stopper son projet : « Je trouve importante la liberté d'expression mais je pense aussi aux possibles victimes, aux militaires, aux entreprises, aux ambassades, aux Néerlandais vivant à l'étranger". Au fond, le gouvernement cherche surtout à faire comprendre aux pays musulmans qu'il ne peut être assimilé à M. Wilders. Sur tous les fronts, les Pays-Bas sont en état d’alerte, "au cas où". Médecins sans frontières Nederland a même pris les devants en rapatriant des équipes du Pakistan.
Malgré les critiques, difficile d’interdire le film. Selon son auteur, Fitna ne déroge à « aucune règle de l'Etat de droit ». Geert Wilders a même proposé de le montrer en avant-première au coordinateur national de la lutte antiterroriste, à condition d'avoir préalablement la garantie qu'il ne serait pas censuré.


La polémique ne va pas s'essouffler demain. Dernière trouvaille de Geert Wilders : il accuse Jan Peter Balkenende d'avoir lui-même « provoqué et amplifié l'inquiétude », en faisant en sorte que «tout le monde soit au courant, de Tombouctou à l'Afghanistan». Un coup médiatique impressionnant.

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